Série « Serial entrepreneuse » TEASER

TEASER nouvelle série Serial entrepreneuse

Il y a des caps à passer dans une vie qui font plus peur que d’autres, celui que je viens de franchir est de ceux-ci. Depuis le 25 juin dernier, je suis officiellement étudiante-entrepreneuse. Ma dernière année de Master en Sciences de l’éducation va ainsi être double, même triple, puisqu’en plus de valider mon diplôme entre Burgos en Espagne (ou je pars en Erasmus) et Créteil en France (mon université d’origine), je vais créer mon entreprise.

Un pari fou mais qui prend pourtant tous son sens, avec la crise sanitaire que nous sommes entrain de traverser et les projections économiques et sociales, bien négatives, qui risquent d’en découler …

Mais comment se lancer dans l’entreprenariat en étant encore étudiant.e ? Quelles démarches? Quel statut ? Quels risques ? Avec qui ? Où ? Es le bon moment ? Suis-je légitime à créer mon entreprise ? 

Toutes ces questions je me les suis posée, je me les pose encore d’ailleurs, elles sont nécessaires mais aussi, bien effrayantes. C’est pour y répondre, partager avec vous mon expériences, mes réussites et mes galères, pas à pas, que je décide de lancer cette série.

Sous forme d’un journal hebdomadaire, celle-ci va me permettre de poser des mots sur mon expérience et échanger une fois de plus mon regard avec le votre sur cette nouvelle aventure, qui promet d’être épique.

Je vous donne donc rendez-vous en septembre pour un nouveau chapitre, en attendant prenez soin de vous et des autres (gestes barrières encore et toujours, tu connait) et je vous souhaite de très bonnes vacances !

Serial entreprenneuse photo lancement

Ella

Histoires d’héroïnes n°10 La Chica

Nous y voilà, déjà, le 10ème et dernier épisode de la série « Histoires d’héroïnes ». Dix semaines, qui resteront dans ma mémoire en vue du contexte socio-politico-sanitaire particulier et des conséquences que cela a eu dans ma vie. J’ai été très heureuse de partager cette parenthèse lecture avec vous, chaque semaine, pour un retour vers ces héroïnes qui ont bouleversé ma vie, de lectrice, de femme.

Pour clôturer, il fallait une héroïne de taille et de symboles. Je vous emmène donc dans ma partie du monde préférée, l’Amérique Latine, et plus précisément en Uruguay, avec une pièce de théâtre qui a marqué à jamais mon regard sur l’art et le l’humanité: Mi Muñequita [Ma petite poupée] de Gabriel Calderón.

La chica, n’a pas de prénom, elle pourrait donc être n’importe quelle petite fille. Sans nom, sans identité, avec seulement une poupée, une petite poupée, sa confidente, son doudou, son alter-égo. Elles ne sont pas l’une sans l’autre, jamais. L’une est innocente, peureuse, l’autre est la voix de la raison, dangereuse. Pleine de couleurs, de vie, à la mise en scène chargée et au jeu dynamique, cette pièce de théâtre hors du commun nous parle politique, à travers les yeux d’un enfant. Un coup de maitre, aussi douloureux soit-il.

Il y a des histoires qui doivent être racontées, au nom des cris silencieux jamais entendus

Ma petite poupée, de Gabriel Calderón

« La pièce est une « comédie dramatique burlesque et grotesque » qui narre l’histoire d’une fille navigant entre l’immaturité propre à son âge et un contexte familial marqué par la violence et l’inceste. Un récit qui ramène à la surface les histoires sombres et souterraines d’une famille apparemment « bien sous tout rapports… « .

– Synopsis Ma petite poupée, de Gabriel Calderón, éditions !Festival!

La chica

Pour vous contextualiser, j’ai découvert cette pièce de théâtre en lecture lors du Festival de théâtre latino-américain, Les Translatines (malheureusement disparut aujourd’hui…), sur la côte basque. Déjà bouleversée par le texte, que je me suis procuré dans ce superbe ouvrage, composé de trois pièces latino-américaines, je l’ai ensuite découverte sur scène l’année d’après, en présence du grand Calderón lui-même. Pendant ce festival, auquel j’assistais tous les ans avec mon option de spécialité théâtre du lycée, j’ai été stupéfaite de voir avec quelle poésie, couleurs et dynamisme, le théâtre latino-américain arborait les sujets les plus violents.

Depuis, j’ai eu la chance d’effectuer un semestre à Santiago, capitale majestueuse du Chili, pour étudier la communication et le théâtre latino-américain. Entre mes cours d’histoire du théâtre latino-américain, ceux de pratique et les rencontres d’artistes que j’ai pu faire sur place, j’ai peu à peu appréhender ce regard sur l’art, bien particulier. Car, si ce théâtre est aussi passionné, coloré et dynamique, c’est avant tout par nécessité. Entre colonialisme, dictatures et conflits culturelles, l’Amérique latine vit avec des histoires violentes et lourdes, récentes et donc d’autant difficile à accepter. Les fantômes de ces interdits, disparitions et mensonges sont partout et non seulement ils forgent les sociétés latinos actuelles, mais en plus ils ont donné à l’art un pouvoir extraordinaire; celui de se souvenir et de transmettre, par tous les moyens.

Disparitions d’enfants, guerres ayant déchiré des familles, la fuite, le déni, tous ces sujets si difficiles à aborder, d’autant plus sur une scène de théâtre, sont pourtant au cœur du théâtre latino-américain. Comme si il s’agissait là du seul biais pour s’exprimer, au delà de la censure, des dénonciation, de la surveillance permanente, politique mais aussi, trop souvent, intime. Le théâtre latino-américain, est libre, sans tabous, dernier rempart pour la liberté d’expression, riche de mots et de combats qui ont longtemps été tus. Et si aujourd’hui c’est bien sur la scène des théâtre que ces textes s’animent, il ne faut pas oublier qu’il naquirent avant tout dans les caves, les salons, les écoles et les recoins de rues, lumière de l’obscurité et cris du silence.

C’est bien dans cette histoire et ce contexte de création que Mi Muñequita est née. Pièce de théâtre engagée politiquement autant que riche artistiquement. Héritière des secrets de famille enfuis, ceux qui se cachent derrière les façades des maisons familiales joyeuses et les sourires éclatants de ses habitants. Pour entrer dans ce cadre, intime, il fallait que Gabriel Calderón trouve un Cheval de Troie. Des yeux qui nous ferait entrer de l’autre côté, là ou personne n’a jamais posé les yeux, à l’exception des protagonistes, bien sur. Arrive alors notre Muñequita, notre petite poupée, personnage ambigu de cette famille, prolongement de la petite fille et pire cauchemar de la mère, symbole de l’enfance.

En adéquation avec la mise en scène globale, la petite poupée est pleine de couleurs, surmaquillée et su-rhabillée, enjouée, riche d’énergie et de répliques aux petits oignons. Pourtant très vite nous comprenons qu’il y a un problème. Malgré son apparence toute sage, la petite poupée est sèche, violente même, si elle se positionne comme conseillère de la petite fille c’est surtout pour lui pointer ce qui ne va pas, allant jusqu’à l’encourager à faire du mal, à tuer.

La souffrance est omniprésente. Pourtant, tous continuent de rire, de s’exclamer, de s’animer, mais la tension elle monte, monte. On comprend à demi-mots qu’il s’est passé quelque chose, quelque chose de grave qui a fait mal, notamment à travers les cris du cœur de la petite fille qui réclame de l’amour. Quand l’oncle entre dans les échanges, nous comprenons. Derrière ces apparences parfaites, la famille est brisée, en milles morceaux depuis longtemps par un acte, des actes, atroces. Actes d’autant plus atroces qu’ils sont appelés actes d’amour …

Une fois la bombe lâchée, l’éruption se déclenche. La recherche du coupable idéal déchaine, encouragée par la petite poupée, jamais très loin. Elle est diabolique cette petite poupée, elle va jusqu’à entrainer la mort de sa voix fluette, pourtant plus les actes s’enchainent plus on prend conscience de certaines choses; la poupée et la petite fille ont la même voix, les mêmes mains, les mêmes actions. L’une manipule, l’autre passe à l’acte, mais pouvons nous vraiment continuer à parler d’elles au pluriel ?

Plusieurs fois pendant la pièce, la mère va gronder la petite fille lui demandant d’arrêter de faire l’enfant, lui arrachant la poupée, pourtant, nous l’avons compris, la petite fille n’est plus une enfant depuis longtemps, elle n’a pas eu le choix.

« LA POUPEE. – Maintenant, nous sommes seules toi et moi. Pour des années et des années. Mortes. Regardant le jardin et les petits trous. Regardant l’obscurité des morts enterrés… A demain, ma petite poupée« .

Ma petite poupée, de Gabriel Calderón, La vérité, p.82

Alors pourquoi parler d’une héroïne pour ce personnage, sans identité, plurielle, dangereuse, violent ? Parce que la chica, la petite fille, su Muñequita, sa petite poupée, ensemble sont des héroïnes de tous les jours. Celles qui subissent, qui se taisent, qui encaissent, à en crever, à en devenir folles. Celles que l’on entend pas, que l’on ne voit pas, que l’on oublie. En racontant et en mettant en scène cette histoire, Gabriel Calderón, met un coup de projecteur sur ces histoires de vie quotidienne qui se passent chaque jour autour de nous. Nous obligeant à nous arrêter entant que spectateur et nous encourageant à devenir plus que des témoins passifs.

Parce que c’est aussi à ça que sert l’art. Au delà du bien-être et du voyage que celui-ci nous procure, l’art, les arts sont des armes politiques, sociales, citoyennes, qui donnent un rythme au monde. En peignant ses pires côtés et ses plus belles richesses, en commentant, dénonçant, créant réflexion, l’art façonne le monde avec grandeur et poésie. Faisant en même temps de nous, les héros et les héroïnes d’histoires extraordinaires dans un monde pourtant d’apparence, bien ordinaire.


Je suis  émue et très fière de clôturer ainsi cette belle série « Histoires d’héroïnes ». Toutes ces femmes, réelles ou imaginaires, fortes et fragiles, pleines de rêves et de désillusions m’ont donné tellement de clés à travers leurs histoires, des clés que j’espère vous avoir transmise à mon tour, au cours de ces quelques articles.

Je vous retrouve la semaine prochaine pour le lancement d’une nouvelle série, différente, plus ancrée dans la réalité, avec un sujet qui, justement, est entrain de bouleverser mon histoire …

En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine !

Ella

 

 

Histoires d’héroïnes n°9 Suzanne

Pour cet avant dernier article de la série « Histoires d’héroïnes », nous plongeons dans un des récit les plus glaçants que j’ai été amenée à lire ces dernières années. Rencontre avec une héroïne victime de la société, de ses normes et préjugés, enfermée, harcelée, prise au piège. Dans La religieuse, Diderot nous rappelle que les femmes ont, de tout temps, été les premières à souffrir, privées de liberté, mais loin d’être vaincues, jamais.

Suzanne dans ce récit est prise dans un toile, doucement, presque tendrement, ligotée jusqu’à ne plus avoir de marge de manœuvre, coupée du monde et de ses droits. Dans ce réquisitoire violent et nécessaire, Diderot dénonce le sarcasme de son époque, cachant derrière sa pieuse apparence les pires sévices. Parce que Suzanne n’est qu’une parmi tant d’autres, condamnée pour avoir existé.

Ou trouver l’espoir quand toute forme de liberté nous est confisquée ?

Dans la folie ou la rage de vivre, sans doute.

La religieuse, de Denis Diderot

« Parce qu’elle est un enfant illégitime, Suzanne Simonin est enfermée par ses parents chez les religieuses de Longchamp ou on la force à prononcer ses vœux. Pieuse et innocente, elle tombe sous la coup d’une nonne illuminée déjà perdue de mysticisme avant de devenir la proie d’une mère supérieure qui va faire de sa réclusion un enfer. Harcelée, martyrisée, elle subit les pires sévices. Femme cloîtrée soumise à toutes les perversions de la vie monastique, Suzanne peut-elle échapper à la folie ? De ce violent réquisitoire social, Diderot fait un chef-d’œuvre de roman anticlérical, gothique et libertin« .

– Synopsis La religieuse, de Denis Diderot, éditions Pocket

Suzanne

Dans ma famille maternelle, la religion est un pilier, comme ce fut le cas dans beaucoup. A chaque génération un homme été nommé prêtre et une femme bonne sœur, au moins. Comme un échange de bons procédés en échange de la protection de cette Eglise sacrée, au delà des lois civiles pendant des années. Le choix de ces personnes et leur marge de manœuvre en terme de consentement sont bien entendu, restés sous silence. Pourtant, des années après, la boite de pandore s’est ouverte, doucement, laissant sortir un flot continu de vérités douloureuses, souvent encore parsemées de secrets inavouables. Parce que si l’Eglise est protectrice, elle l’est d’abord de ses principes et de la continuité de ses croyances, strictes, patriarcales, homophobes et aux tendances perverses.

C’est le même constat violent et douloureux que fait Diderot dans son œuvre La religieuse, à une différence près, il s’agit de son époque, de son temps. C’est donc un grand risque qui est pris par l’écrivain des lumières, vivant dans une société ou l’Eglise et l’Etat français ne font encore qu’un.

Pour établir ce constat, Diderot se glisse avec nous dans la peau de Suzanne, enfant illégitime, condamnée à la robe noire des religieuses sans en avoir conscience, racontée à travers ces lettres d’appel à l’aide qu’elle envoi à un certain Marquis. Cachée aux yeux de la société pour le salut de sa mère et de son maris, preuve douloureuse d’une faute qui doit disparaitre à tout prix. Notre héroïne n’a donc pas, dès le début du récit, la main sur son destin. Liée à sa naissance, enfermée par son genre, prisonnière de l’Eglise protectrice.

Au cœur de ce monde féminin, clôt, la folie est maitresse et l’ordre social bien établie, créant une seconde cage au cœur même de la prison. C’est d’ailleurs bien ce qui donne le ton si morbide et glaçant du récit, le huit clos permanent dans lequel Suzanne et nous, par la même occasion, sommes enfermé.e.s. En étudiant cette œuvre l’année dernière en Littérature Classique, j’ai été éblouie par toutes ces émotions qui nous prennent au trippes, à nous rendre malades. Parce que ce mal là est vicieux, comme la toile d’araignée que j’ai donné pour exemple plus tôt, il nous emprisonne doucement, nous entoure, nous ligote et c’est exactement au moment ou l’on prend conscience de la situation et que l’on commence à paniquer que l’étau se resserre.

C’est bien là l’horreur de ce récit. Si elle avait accepté son sort comme tant d’autres avant et après elle, Suzanne n’aurait pas tant souffert. Sans doute serait elle devenue folle, elle aussi, mais sa résignation lui aurait au moins permise d’éviter les châtiments physiques.

Mais quel est le prix de la résilience ? 

La liberté de pensée, d’être, de vivre, de pouvoir user de notre cœur comme bon nous semble, toutes ces richesses valent d’elles d’être sacrifiées pour une vie résiliente, si l’on peut encore appeler cela une vie.

Quelques mois après avoir découvert et analyser l’ouvrage de Diderot, j’ai eu la chance de redécouvrir son héroïne au théâtre dans une adaptation à deux comédienne dans une mise en scène double formidable. En effet, une seule comédienne jouait ainsi tous les autres personnes, dont surtout les mères supérieures, en plus de la comédienne jouant Suzanne. De plus, la mise en scène jouait entre un fond austère, représentant le couvent et des projections numérisées donnant l’impression de barreaux, symbole de la double prison dans laquelle est emprisonnée Suzanne.

Une expérience extraordinaire qui m’a amené à comprendre un élément essentiel de ce récit; Suzanne n’est pas le personnage principal, car ce rôle est détenu par la folie. En effet, si les mères supérieures, aussi différentes qu’elle soient sont les bourreaux de Suzanne c’est d’abord parce que elle-même ont été faites prisonnières du couvent. Suzanne se bat tout au long du récit contre son destin qui l’a amené dans cette situation, contre une force supérieure, la providence, qui a fait d’elle ce qu’elle est. La folie est partout. Elle est la toile d’araignée qui se ressert autour des femmes, peu d’hommes interviennent, ils sont seulement spectateurs, c’est d’ailleurs là leur force principal, ils n’ont plus besoin d’intervenir, la folie maintient l’ordre à leur place. Le manque d’air, de contacts physiques, de liberté de mouvement, de pensées, toutes ces privations amènent à la folie, elle est inévitable, comme sacrifice ultime.

L’être humain est un être social, mais seulement jusqu’aux limites de sa liberté. 

Suzanne est une héroïne symbolique qui nous rappelle, avec son récit imaginaire, les multiples prisons dans lesquelles les femmes ont été emprisonnées au cours de l’Histoire: le mœurs, les lois, la bien-pensance, les couvent, les foyers, les mariages arrangés … Tant de prisons, visibles et invisibles, qui ont fait de l’autre sexe une lourde cage dorée. Des constats encore existants malheureusement aujourd’hui, aux quatre coins du globe, parce que si le temps avance, les habitudes, trop souvent, restent.

Plus que jamais je souhaite alors rendre hommage à toutes ces héroïnes, qui vivent chaque jour avec force et courage pour se libérer de leurs prisons et lutter contre leurs démons. Rien n’est simple mais contre la folie nous savons qu’il existe des remèdes, la sororité, la lutte, l’espoir, la communication et surtout, surtout une soiffe inarrêtable de liberté !


J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cet avant dernier article de la série « Histoire d’héroïnes », qui m’a accompagné pendant ce temps douloureux de confinement et de remise en question. Au plaisir de lire vos Regards sur ce récit poignant et cette héroïne d’actualité avant l’heure.

A la semaine prochaine et surtout, pour changer, soyez fier.ère.s de vous !

Ella

 

Histoires d’héroïnes n°8 Ophélie

De retour pour ce nouvel article, dédié cette fois à une héroïne que j’ai découverte très récemment. Vivant dans un monde fantastique, cachée derrière ses lunettes et sa timidité, propulsée héroïne d’une histoire, là ou elle préfère les lire habituellement, Ophélie n’a rien d’un personnage principal. Pourtant, c’est justement son caractère unique et ses donc singuliers qui vont faire d’elle le cœur du récit, au cours d’une épopée que nous ne sommes pas près d’oublier. Destination donc le Pôle avec La passe-miroir de Christelle Debos.

Entre plusieurs mondes aussi fascinants et complexes les uns que les autres, jonglant entre des familles aux dons tout aussi particuliers, Christelle Debos nous entraine dans une dimension unique, entre mythologie et magie d’un nouveau monde. Là-bas, tout a deux sens de lecture, rien ne se juge au premier regard, tout comme Ophélie qui va se découvrir au fil des péripéties, en même temps que nous allons tenter de la cerner. Une fois n’est pas coutume, mais presque, c’est une anti-héroïne que nous allons apprendre à connaitre, plus discrète que téméraire, moins belle qu’intelligente. 

Il ne faut jamais de fier aux apparences, ça fonctionne aussi avec soi-même, n’est-ce pas Ophélie ?

La passe miroir, de Christelle Debos

« Sous ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons, la jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. A quelle fin a-t-elle été choisie ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d’un complot mortel« .

– Synopsis La passe-miroir 1 – Les Fiancés de l’hiver, de Christelle Debos, éditions Gallimard jeunesse

Ophélie modif

Pendant longtemps, en rentrant dans la vie adulte j’ai arrêté les sagas. Comme si ce n’était plus de mon âge, qu’il était temps que je passe aux livres sérieux. Finalement, comme l’écriture ou le théâtre, je me suis rendu compte que les sagas étaient vraiment pour moi des nécessités, des bols d’air, face à la vrai vie d’adulte justement. C’est alors par cette découverte de Christelle Dabos, La passe-miroir, que j’ai effectué mon retour en force vers le monde formidable des sagas.

C’est toujours drôle de voir comme ce que je viens aujourd’hui y chercher, est à la fois si différent et semblable à ce que j’aimais y trouver enfant et adolescente. De l’évasion bien sur, toujours, des personnages différents de moi mais auxquels je peux me rattacher, mais aussi, aujourd’hui, des morales, des conseils à lire entre les lignes. Car, comme les contes ne sont pas si innocents que cela et nous ont guidé via notre imaginaire innocent bien plus qu’on ne le pense [lire le formidable ouvrage « Psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim], les sagas nous délivrent elles aussi de nombreux messages symbolique, qui nous touchent au cœur.

Dans le cas d’Ophélie, c’est sans doute d’abord son refus du premier rôle, de l’attention, de l’aventure aussi, qui m’a touché. Car c’est dans son musée, au milieu des objets qu’elle peut lire, entant que liseuse, coupé de ses semblables, qu’Ophélie est le mieux. Lorsqu’elle est choisie, c’est avec déchirement qu’elle va quitter son cocons qui la protège du monde, des autres, qu’elle fuit et regarde avec appréhension. Cette timidité maladive nous la voyons aussi très vite par son apparence: négligée, avec ces grandes lunettes de myope qui mettent une nouvelle barrière avec le monde extérieur, où encore sa façon de se tenir, courbée, discrète. C’est la providence, symbolisée par son don, rare, de passer les miroirs, qui va amener Ophélie vers sa destinée, contre son gré.

A la Citacielle, capitale flottante du Pôle, le décor et la vie d’Ophélie bascule, là-bas le mensonge, les inégalités et la violence prône, sortant notre héroïne de sa torpeur et la projetant dans une nouvelle dimension, dangereuse. L’occasion pour elle et pour nous, de dénouer, au fil des pages, les origine complexes de ces mondes, dirigés pas des Dieux aux pouvoir incontestables et aux origines floues, les esprits de famille. Rencontre également avec des personnages centraux des récits, eux aussi aux facettes multiples, inquiétantes et pourtant si bouleversantes.

Tout d’abord avec Thorn, le futur mari d’Ophélie, bâtard, froid, illisible, une ironie pour celle qui peut lire n’importe quoi. C’est là d’ailleurs la profondeur de ce personnage, Ophélie lit les objets que nul autre ne prend en compte, ne remarque, en revanche, elle est bien mauvaise lorsqu’il s’agit de relations humaines. Le Chevalier aussi, cet enfant aux allures de prince, aussi cruel que profondément blessé.  Berenilde, la tante de Thorne, maitresse de l’esprit de famille Farouk, femme forte et fragile en même temps, avide de reconnaissance mais par un être sans cœur, d’ennemie à alliée, elle est une de ceux qui va, pour moi, le plus évoluer au cours du récit. Archibald, bien sûr, l’ambassadeur du pôle, glorifié puis déchu, lui aussi ennemi puis allié. Des personnage attachants car aux carapaces solides, se décomposant doucement au fil des pages, nous laissant apercevoir des failles sans fond, douloureuses et bien plus humaines qu’on aurait pu le penser.

Christelle Debos réussit également un tour de passe passe, en nous montrant à quel point les défauts, pointés du doigt sur Ophélie, par ses proches, la société bourgeoise du pôle et elle-même, sont en réalité de véritables atouts. Sa discrétion va lui permettre d’être à l’affut du moindre secret, une carte considérable à jouer sans cette société de mensonge; sa facilité à se fondre dans la masse va lui ouvrir les portes des yeux et des oreilles du pôles: les employé.e.s et petites mains; finalement, son innocence va lui éviter de perdre son âme dans un monde de vendus et de marionnettes sans sentiments.

Ainsi lire entre les lignes, au delà des apparences, semblent-être les crédos que nous pouvons affilier sans doute à cette héroïne. Car si lorsqu’elle se regarde dans ces miroirs Ophélie ne voit rien en elle d’une héroïne, elle finit finalement par les traverser pour faire face à cette destinée, qui la place, avec justesse, au cœur de l’intrigue.

Peut-être es là le secret d’une bonne héroïne, le devenir par les actes plus que par le titre.  


C’est déjà l’heure pour moi de sonner la fin de cet article. Une belle découverte une fois de plus que j’ai été ravie de partager avec vous. Comme toujours, à jamais j’ai envi de dire, au plaisir de découvrir votre regard sur cette formidable héroïne, en commentaire ou sur Instagram. A la semaine prochaine, prenez soin de vous et belles découvertes !