Je suis de retour aujourd’hui avec une héroïne qui a traversé les âges, au point que nous doutions souvent de son statut; réelle ou imaginaire. En effet, c’est nul autre que la fée de Brocéliande, Dame du lac, Viviane, mère adoptive du chevalier de la Table Ronde Lancelot, et âme sœur du grand magicien Merlin, que je vous présente aujourd’hui, dans ce 6ème article. Un portait, dressé avec finesse et chevalerie par l’auteure Marion Zimmer Bradley, dans son ouvrage Les dames du lac [premier ouvrage du Cycle d’Avalon].
Récompensé par le prix du Grand roman d’évasion 1986, cet pépite littéraire nous transporte dans un monde de chevaliers et de reines, de sorcières et de magiciens. Un monde historico-fantastique dépoussiéré par Marion Zimmer Bradley, tout au long du des trois tomes. En mettant en avant les femmes, souvent en arrière plan des récits dédiés au règne du Roi Arthur, elle nous enchante et nous amène à réfléchir aux symboles multiples de la féminité, au delà des apparences.
Viviane est une sorcière, femme se pouvoir sans jamais avoir eu besoin de couronne
Viviane, dans Les Dames du lac de Marion Zimmer Bradley
« La légende du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde n’avait, depuis longtemps, inspiré un roman d’une telle envergure. Merlin l’Enchanteur, Arthur et son épée fabuleuse, Lancelot du lac et ses vaillants compagnons, tous sont présents, mais ce sont ici les femmes qui tiennent les premiers rôles: Viviane, la Dame du Lac, Ygerne, duchesse de Cornouailles et mère d’Arthur, son épouse Guenièvre, Morgane la fée, sœur et amante du grand roi…
Cette épopée envoûtante relate la lutte sans merci de deux mondes inconciliables: celui des druides et des anciennes croyances et celui de la nouvelle religion chrétienne qui supplante peu à peu les rites ancestraux de la Grande-Bretagne avant qu’elle ne devienne l’Angleterre.«
– Synopsis Les dames du lac [tome 1 du Cycle d’Avalon] de Marion Zimmer Bradley, éditions Le livre de poche
Dans cette série, je dédis des articles à ces héroïnes qui m’ont marqué; de mon enfance, à mon adolescence en passant par ma jeune vie adulte, ces femmes, réelles ou imaginaires ont colonisé mon esprit et même motivé certaines de mes décisions, actions et projets. C’est dans ce sens que je vous présente aujourd’hui la Dame du lac, à travers l’ouvrage de Marion Zimmer Bradley; j’avais 12 ans lorsque je suis tombée sur ce Cycle dans la bibliothèque municipale de mon p’tit patelin pommé. J’ai été impressionnée par ces énormes ouvrages et rapidement embarqué dans cette dimension historico-fantastique, réunissant la magie, qui m’a toujours attiré et les récits chevaleresque, qui m’animent depuis mes premiers cours d’histoires.
Mais au delà de ces aspects de surface, c’est ensuite le fil rouge 100% féminin qui a ébloui mes yeux de jeune lectrice. Comme nous toutes, j’ai été bercée par la fameuse « Derrière chaque homme, il y a toujours une femme », c’est d’ailleurs dans ce modèle que sont souvent introduite les femmes dans les récits, quelque soit leur genre. En second plan, derrière les hommes, leur statut dépend souvent de celui-ci d’un homme; père, frère, époux, fiancé, ami. Pourtant dans son Cycle d’Avalon, Marion Zimmer Bradley fait justement un choix inversé, prônant au contraire que « Derrière chaque femme, il y a toujours elle-même » [dédicace Meuf Paris].
Ainsi, dans ce récit, chaque femme est présentée en fonction d’une caractéristique, directement affiliée à un titre qui lui est propre. Viviane est ainsi la Dame du lac (avant d’être la maitresse de Merlin), Ygerne, la duchesse (avant même d’être la mère du roi Arthur), Guenièvre, la reine (avant d’être l’épouse d’Arthur et la maitresse de Lancelot) et enfin, Morgane, la fée (avant d’être, elle aussi, la sœur du roi Arthur). Leur force à chacune leur est ainsi propre et ne dépend que d’elles-mêmes et des autres femmes. Car si Viviane est devenue Dame du lac c’est comme nous allons le voir, de son essor, de même que Morgane a apprise la magie par Viviane, qui l’a élevé et fait d’elle son élève. Guenièvre est reine, mais pas uniquement la reine comme épouse du roi, mais bien reine avec son propre pouvoir de décision et de liberté d’action, il en va de même pour Ygerne, en arrière plan, mais en guerrière de l’obscurité, au lieu de victime de celle-ci.
Pour en revenir à notre principale sujet ici, Viviane, Dame du lac et fée de Brocéliande a marqué les esprits par son pouvoir et son indépendance – des règles, des hommes, de la royauté – et sa magie – en harmonie avec la nature et les éléments. Viviane est fille de roi, mais un roi secondaire, régnant avant tout sur une forêt boisée, dès le début de sa vie, celle-ci est donc imprégnée des éléments naturels, qui deviendront par la suite ses plus féroces alliés.
Vivant dans un palais de cristal, invisible aux yeux des hommes, Viviane cultive son mystérieux, en se mettant en retrait du monde humains et de la cour du Roi Arthur, elle est le point de vue omniscient, critique et juste du récit, à ses débuts en tout cas. L’arrivée de Lancelot, rêvant de chevalerie et de reconnaissance, bouleverse son équilibre et la rend d’autant plus humaine à nos yeux. Celle qui a toujours eu la main sur les hommes et les émotions qui lui faisaient ressentir [avec Merlin notamment, qu’elle emprisonnera à l’aide d’un voile magique], se voit fragilisé par l’amour maternelle qu’elle porte à celui-ci, sans pour autant flancher face à cette fragilité. C’est d’ailleurs là toute la force de cette héroïne, cette capacité à se relever face aux obstacles, à faire de ses épreuves des armes.
Ce qui nous amène à la dimension centrale pour moi de ce personnage: sa magie. Viviane est une sorcière, autrement dit, une femme de pouvoir qui manie l’art des mélanges et sorts, grâce notamment à ses savoirs sur la nature et les éléments. Vivant au milieu d’une forêt, celle de Brocéliande, les récits racontent qu’il faut prendre une barque pour traverser la lac menant à son palais. Un palais de verre, invisible aux yeux des hommes, notamment grâce à l’épaisse brume qui l’entoure. Cet imaginaire, du palais inatteignable, est celui qui a marqué indéfiniment mon esprit et représente parfaitement la teneur magnifique du personnage. Viviane s’est construite autour des éléments qu’elle connait le mieux, ceux de la nature et a puisé son pouvoir en ce qui lui était accessible directement. Au contraire du roi Arthur qui tient sa grandeur à un pouvoir ancestrale et religieux qui lui échappe (il est représentant de Dieu sur terre, un Dieu qu’il est loin de cerner), de Lancelot en quête d’une reconnaissance par la quête du Graal, symbole même du but inatteignable, Viviane est puissante par sa gestion des éléments simples.
Quant on sait que les femmes sorcières ont étaient brulées pendant des décennies pour leurs pouvoirs, au moyen-âge notamment, époque de la montée des religions monothéistes et notamment du catholicisme, dirigé par des hommes, Viviane fait figure de symbole. Elle qui n’a jamais été épouse, n’a jamais eu d’enfant, elle, maitresse, professeur, mentore, libre et jamais soumise, au delà des normes, des règles et des lois.
La Dame du lac, reine de la nature, fée de Brocéliande et guerrière des éléments, nous rappelle qu’une femme forte est une femme dangereuse aux yeux du monde, une femme libre donc.
C’est la fin de ce sixième « Histoire d’héroïne » , un portait qui me tenait particulièrement à cœur. J’espère qu’il a plus et enchanté, je vous retrouve avec plaisir en commentaire ou sur les réseaux sociaux du blog pour continuer le voyage.
Ella